Sans titre, René Collamarini, 1969
Patrimoine
Sans titre, René Collamarini, 1969
Granit
Ense³, Grenoble INP – UGA
23 avenue des Martyrs, Grenoble
Découvrir l'œuvre
Sans titre, œuvre du 1% artistique composée de deux sculptures encadrant l’entrée de Grenoble INP – Ense³, est représentative de l’identité esthétique de l’artiste. En effet, les serpents en granit sont construits selon une succession de plans et de courbes qui s’imbriquent, poussant le spectateur à tourner autour de l’œuvre. Ce procédé, cher à Collamarini, se différencie des sculptures où seule la partie frontale est importante, la partie arrière n’apportant aucune signification complémentaire. De plus, le fait que la sculpture soit à l’extérieur fait partie des caractéristiques de René Collamarini. Il a en effet beaucoup travaillé avec des architectes ou pour des espaces extérieurs, et il disait que « la sculpture ça ne fait pas partie du salon mais de la ville ».
René Collamarini (1904-1983)
René Collamarini est né à Paris en 1904. Il quitte l’école à 15 ans pour travailler en usine puis dans une maison de tissu. En parallèle, il suit des cours du soir de dessin et de modelage. En 1921, il entre à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Jean Boucher (artiste académique qui participa à la restauration de monuments médiévaux et à la réalisation d’œuvres rendant hommage entre autre à Fra Angelico). Par ailleurs, il travaille comme assistant d’un praticien, ce qui l’initie à la taille de pierre. Il devient rapidement un adepte de la taille directe.
Il devient lauréat du Prix Blumenthal en 1930, et créé un peu plus tard sa première réalisation importante : la statue du poète François Villon (la sculpture est du même nom). Il participe au programme décoratif de l’Exposition Universelle de 1937 où il crée entre autres un bas-relief pour la façade du palais du Trocadéro : La Céramique et le Verre.
Après la Libération, il participe à la reconstruction d’Amiens et d’Abbeville : il collabore avec des architectes, reçoit des commandes d’œuvres monumentales pour différents établissements scolaires et des hôpitaux. Grâce à cette période, sa sculpture évolue : elle passe d’une sculpture néo-classique (à comprendre réaliste voire idéaliste) à une sculpture plus épurée et stylisée, plus avant-gardiste, parfois proche de l’abstraction.
De 1959 à 1974, il est professeur à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, où il enseigne la taille directe.
Tout au long de sa carrière, il réalisera des portraits d’amis, de peintres, d’hommes politiques. Il réalise aussi plusieurs médailles, entre autre pour la Monnaie de Paris. Il sculpte aussi bien le marbre que la pierre et le bois (olivier, teck, ébène…). Il participe régulièrement au Salon des Artistes Indépendants, au Salon d’Automne, au Salon des Tuileries, et dans les années 1950, au Salon des peintres témoins de leur temps. Différentes expositions lui ont été consacrées (exemple : au musée Rodin et au musée d’art et d’histoire de Saint-Denis en 1974, à la Fondation Coubertin en 1994…).
Il devient lauréat du Prix Blumenthal en 1930, et créé un peu plus tard sa première réalisation importante : la statue du poète François Villon (la sculpture est du même nom). Il participe au programme décoratif de l’Exposition Universelle de 1937 où il crée entre autres un bas-relief pour la façade du palais du Trocadéro : La Céramique et le Verre.
Après la Libération, il participe à la reconstruction d’Amiens et d’Abbeville : il collabore avec des architectes, reçoit des commandes d’œuvres monumentales pour différents établissements scolaires et des hôpitaux. Grâce à cette période, sa sculpture évolue : elle passe d’une sculpture néo-classique (à comprendre réaliste voire idéaliste) à une sculpture plus épurée et stylisée, plus avant-gardiste, parfois proche de l’abstraction.
De 1959 à 1974, il est professeur à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, où il enseigne la taille directe.
Tout au long de sa carrière, il réalisera des portraits d’amis, de peintres, d’hommes politiques. Il réalise aussi plusieurs médailles, entre autre pour la Monnaie de Paris. Il sculpte aussi bien le marbre que la pierre et le bois (olivier, teck, ébène…). Il participe régulièrement au Salon des Artistes Indépendants, au Salon d’Automne, au Salon des Tuileries, et dans les années 1950, au Salon des peintres témoins de leur temps. Différentes expositions lui ont été consacrées (exemple : au musée Rodin et au musée d’art et d’histoire de Saint-Denis en 1974, à la Fondation Coubertin en 1994…).
Les sculptures de René Collamarini
Les sculptures de René Collamarini sont décrites par Gérald Schurr comme ayant des lignes imposantes et sobres. Il estime que l’artiste a toujours travaillé avec les architectes, ce qui lui a permis de travailler sa sculpture pour qu’elle soit en harmonie avec les architectures en étant puissantes et rythmées. René Collamarini dira d’ailleurs que pour lui « la sculpture ça ne fait pas partie du salon mais de la ville ».
Toujours d’après Gérald Schurr, il semblerait que ce soit vers 1950 que René Collamarini a vraiment trouvé son identité esthétique, en créant des formes vivantes et rigoureuses. Le sujet n’est plus statique : il se libère peu à peu. Cette libération se traduit par une succession de reliefs et de plans qui rendent la sculpture « tournante », c’est-à-dire que les lignes, les angles et les courbes se succèdent et s’imbriquent, ce qui invite le spectateur à les suivre, et donc à tourner autour de la sculpture. Gérald Schurr explique que « le renoncement à la frontalité, à ce qu’on pourrait appeler le ‘’bas-relief en ronde-bosse’’ où seule la face présente une signification, ce renoncement est, aux yeux de Collamarini, l’une des conquêtes essentielles de l’art moderne ; l’autre (…) c’est l’importance accordée au vide, à l’équilibre organique entre le matériau et ce ‘’trou’’ qui se découvre en définitive aussi éloquent que le ‘’plein’’ sous l’action du ciseau ».
Toujours d’après Gérald Schurr, il semblerait que ce soit vers 1950 que René Collamarini a vraiment trouvé son identité esthétique, en créant des formes vivantes et rigoureuses. Le sujet n’est plus statique : il se libère peu à peu. Cette libération se traduit par une succession de reliefs et de plans qui rendent la sculpture « tournante », c’est-à-dire que les lignes, les angles et les courbes se succèdent et s’imbriquent, ce qui invite le spectateur à les suivre, et donc à tourner autour de la sculpture. Gérald Schurr explique que « le renoncement à la frontalité, à ce qu’on pourrait appeler le ‘’bas-relief en ronde-bosse’’ où seule la face présente une signification, ce renoncement est, aux yeux de Collamarini, l’une des conquêtes essentielles de l’art moderne ; l’autre (…) c’est l’importance accordée au vide, à l’équilibre organique entre le matériau et ce ‘’trou’’ qui se découvre en définitive aussi éloquent que le ‘’plein’’ sous l’action du ciseau ».
Collamarini et la taille directe
Depuis la Renaissance, la plupart des sculpteurs élaborent un modèle en terre qui est ensuite soit moulé (pour être ensuite fondu en bronze), soit reproduit dans un matériau dur par le procédé de la mise au point. Cette activité de reproduction (en pierre ou en bois) à partir du modèle en argile est alors généralement confiée à des praticiens spécialisés. Le sculpteur ne taille donc pas lui-même l’œuvre finale. Il y a en effet eu pendant longtemps une distinction entre l’idée de la sculpture, due à l’artiste, et sa réalisation finale, qui était le fait de praticiens.
René Collamarini, durant ses études aux Beaux-Arts, travaillait dans l’atelier d’un praticien, autrement dit un artisan qui s’occupait de sculpter sur matériaux durs les modelages d’artistes. On appelle cela la « mise au point » (car passage d’un modelage à la sculpture d’un matériau). Il a donc pu pratiquer la taille de la pierre et du bois pendant plusieurs mois/années (durée inconnue), et en acquérir une parfaite maîtrise. Parallèlement à cette expérience où il taillait la pierre, Collamarini découvrait la pratique de la sculpture par modelage puis mise au point dans l’atelier de Jean Boucher.
Grâce à ces expériences complémentaires (chez un praticien et chez un artiste), René Collamarini découvre le monde de la sculpture, monde qui n’est pas à son goût.
Je découvris la sculpture sous un angle que j’ignorais complètement, toute cette espèce de cuisine invraisemblable qui consistait à faire travailler des tas de gens sur une sculpture et à ne pas la faire soi-même. Il y avait […] des metteurs au point, des praticiens, des marbriers, enfin un tas de gens… mais de « sculpteur », jamais… il faisait une maquette et puis il allait boire un demi et ça se terminait là ! […] Pour rien au monde il n’y touchait. Il ne savait même pas tenir un outil… il n’avait jamais fait ça. Alors ça m’a complètement découragé, cette vision de la sculpture… étonné et découragé... [R. COLLAMARINI,1952-53]
En réaction à ce fonctionnement traditionnel, René Collamarini explique : Je ne voulais pas faire tout ça. Ça me dégoûtait. Pour moi la sculpture, c’est un bout de pierre dont on essaie de tirer quelque chose. Ça ne peut pas être cette espèce de cuisine, faire des moulages sur nature, les faire mettre au point et les agrandir… Je trouvais cela une tromperie. […] C’est à ce stade que je me suis dit : je veux faire de la taille directe… Je connaissais déjà un peu l’histoire de la taille directe… j’avais eu des contacts… […] ça me paraissait plus honnête. [R. COLLAMARINI,1952-53]
Non seulement René Collamarini avait la connaissance et la volonté de faire de la taille directe, mais il était évidemment avantagé par son expérience dans l’atelier du praticien : il avait ainsi pu acquérir les compétences de chaque étape de création d’une sculpture habituelle (modelage puis mise au point).
La taille directe est un « procédé de taille, pratiqué par l’artiste lui-même, qui consiste à tailler un matériau dur, soit directement d’après nature, soit en se servant à titre de référence de schémas dessinés, de gabarits, de panneaux ou d’une simple esquisse modelée ». L’artiste taille donc l’œuvre dans la pierre ou le bois, sans recopier un modèle mis au point au préalable grâce à un modelage. Au début du XXème siècle, certains artistes (bientôt soutenus par des critiques d’art), décident d’aller à l’inverse de la distinction traditionnelle artiste/praticien, en revenant à la taille directe. Ces artistes considèrent alors que la sculpture en taille directe est plus vraie, plus honnête, plus respectueuse du matériau et de sa composition interne (les veines et la densité du bois par exemple). L’artiste pratiquant la taille directe peut cependant recourir à différentes pratiques, en inventant sa sculpture au fur et à mesure, en ayant déjà une image très précise de l’œuvre finale dès le début de la taille, ou encore en préparant méticuleusement la taille avec des dessins ou des esquisses.
René Collamarini, lui, eut une pratique plus « instinctive » de la taille. Après avoir jaugé la forme du matériau, il dessine sur la pierre ou le bois la forme qu’il pressent, puis se confronte au bloc avec ses dessins, sans esquisse préalable. Il explique sa démarche en ces termes :
René Collamarini, durant ses études aux Beaux-Arts, travaillait dans l’atelier d’un praticien, autrement dit un artisan qui s’occupait de sculpter sur matériaux durs les modelages d’artistes. On appelle cela la « mise au point » (car passage d’un modelage à la sculpture d’un matériau). Il a donc pu pratiquer la taille de la pierre et du bois pendant plusieurs mois/années (durée inconnue), et en acquérir une parfaite maîtrise. Parallèlement à cette expérience où il taillait la pierre, Collamarini découvrait la pratique de la sculpture par modelage puis mise au point dans l’atelier de Jean Boucher.
Grâce à ces expériences complémentaires (chez un praticien et chez un artiste), René Collamarini découvre le monde de la sculpture, monde qui n’est pas à son goût.
Je découvris la sculpture sous un angle que j’ignorais complètement, toute cette espèce de cuisine invraisemblable qui consistait à faire travailler des tas de gens sur une sculpture et à ne pas la faire soi-même. Il y avait […] des metteurs au point, des praticiens, des marbriers, enfin un tas de gens… mais de « sculpteur », jamais… il faisait une maquette et puis il allait boire un demi et ça se terminait là ! […] Pour rien au monde il n’y touchait. Il ne savait même pas tenir un outil… il n’avait jamais fait ça. Alors ça m’a complètement découragé, cette vision de la sculpture… étonné et découragé... [R. COLLAMARINI,1952-53]
En réaction à ce fonctionnement traditionnel, René Collamarini explique : Je ne voulais pas faire tout ça. Ça me dégoûtait. Pour moi la sculpture, c’est un bout de pierre dont on essaie de tirer quelque chose. Ça ne peut pas être cette espèce de cuisine, faire des moulages sur nature, les faire mettre au point et les agrandir… Je trouvais cela une tromperie. […] C’est à ce stade que je me suis dit : je veux faire de la taille directe… Je connaissais déjà un peu l’histoire de la taille directe… j’avais eu des contacts… […] ça me paraissait plus honnête. [R. COLLAMARINI,1952-53]
Non seulement René Collamarini avait la connaissance et la volonté de faire de la taille directe, mais il était évidemment avantagé par son expérience dans l’atelier du praticien : il avait ainsi pu acquérir les compétences de chaque étape de création d’une sculpture habituelle (modelage puis mise au point).
La taille directe est un « procédé de taille, pratiqué par l’artiste lui-même, qui consiste à tailler un matériau dur, soit directement d’après nature, soit en se servant à titre de référence de schémas dessinés, de gabarits, de panneaux ou d’une simple esquisse modelée ». L’artiste taille donc l’œuvre dans la pierre ou le bois, sans recopier un modèle mis au point au préalable grâce à un modelage. Au début du XXème siècle, certains artistes (bientôt soutenus par des critiques d’art), décident d’aller à l’inverse de la distinction traditionnelle artiste/praticien, en revenant à la taille directe. Ces artistes considèrent alors que la sculpture en taille directe est plus vraie, plus honnête, plus respectueuse du matériau et de sa composition interne (les veines et la densité du bois par exemple). L’artiste pratiquant la taille directe peut cependant recourir à différentes pratiques, en inventant sa sculpture au fur et à mesure, en ayant déjà une image très précise de l’œuvre finale dès le début de la taille, ou encore en préparant méticuleusement la taille avec des dessins ou des esquisses.
René Collamarini, lui, eut une pratique plus « instinctive » de la taille. Après avoir jaugé la forme du matériau, il dessine sur la pierre ou le bois la forme qu’il pressent, puis se confronte au bloc avec ses dessins, sans esquisse préalable. Il explique sa démarche en ces termes :
Je dessine sur la pierre ou le bois à mesure de mon travail ; je jauge d’un coup d’œil ce que je peux tirer de ce tronc d’arbre, de sa forme particulière, et c’est lui qui me dirige ensuite. Si j’obéissais à une maquette, je fausserais sa personnalité : je dois trouver la mienne à travers le bloc, à travers les éclats, les accidents dont je vais tirer parti lorsque l’outil va les rencontrer, les révéler.
Peu à peu, René Collamarini s’imposa en tant que sculpteur de taille directe. Non seulement il la pratiquait, mais il réhabilita cette pratique au sein de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris où il enseigna de 1959 à 1974.
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Mis à jour le 21 mars 2024