Sphère enterrée, François Morellet, 1975
Patrimoine
Sphère enterrée, François Morellet, 1975
Tubes en acier inoxydables
Bâtiments Stendhal (UGA)
1361 rue des Résidences, Gières
Découvrir l'œuvre
La Sphère enterrée de François Morellet est composée de tubes qui, assemblés entre eux, s’articulent en sections carrées, créant des trames orthogonales. L'assemblage de ces trames forme une demi-sphère posée à terre, d'où le titre de « sphère enterrée ». Quand on se déplace autour de l'œuvre, des formes géométriques apparaissent et disparaissent dans le cœur de la sphère. L'artiste, par le biais des sections, a ainsi créé un effet d'optique.
Cette œuvre du 1 % artistique appartient à une catégorie d'œuvres que François Morellet appelait les « sphères-trames ». Les sphères-trames se déclinent sous différentes tailles : on a ici un exemple de sphère-trame monumentale prévue pour l'extérieur, mais nous avons un exemple de sphère-trame plus petite et plus dense au Musée de Grenoble (salle 40) ; suspendue au plafond, celle-ci offre le même type d’effet d’optique quand on tourne autour. Morellet a commencé à développer ce modèle à partir de 1962. A cette époque, il souhaitait donner une troisième dimension à ses trames superposées, peintes sur toile ou panneau de bois (voir un exemple).
Si l’artiste travaillait d’après une structure orthogonale, c’est parce qu’il estimait que le carré est la forme géométrique la plus neutre et la plus simple possible, puisqu’il n’y a qu’une chose à déterminer : la dimension d’un côté, qui est ensuite appliquée à tout le carré. Le but de ce parti-pris était d’être le plus objectif possible.
Lorsque Morellet a souhaité détacher ses trames des surfaces planes des tableaux pour les transposer en sculptures, la question de la délimitation de la structure s’est posé. En effet, dans ses tableaux, les lignes et les trames peuvent être considérées comme étant infinies : elles traversent la surface et se prolongent au-delà des limites de la toile. En voulant passer en trois dimensions, donc prendre ces mêmes lignes et ces mêmes trames pour en faire des sculptures, la définition de la limite est différente : ce n’est plus la toile qui délimite la ligne, c’est la ligne elle-même qui, puisqu’elle compose la sculpture, doit trouver sa propre limite. Morellet explique : “Pour les sculptures, il n’existe pas de limites conventionnelles, si ce n’est les limites de la salle d’exposition”. Morellet fit donc le choix de limiter ses trames et la structure générale de ses sculptures à une sphère :
“Le choix de limites en forme de sphère plutôt que, par exemple, en forme de cube n’est pourtant pas gratuit. Ma sphère lorsqu’elle tourne sur elle-même (ou que l’on tourne autour) n’ayant aucun angle, aucun accident de surface sur sa périphérie permet au regard du spectateur de mieux se concentrer à l’« intérieur », là où se succèdent les superpositions de trames” [François Morellet – 1983-1984]
Les sphères-trames étaient faites en usine, car cela demandait trop de précision et trop de matériel pour être faites artisanalement.
Cette œuvre du 1 % artistique appartient à une catégorie d'œuvres que François Morellet appelait les « sphères-trames ». Les sphères-trames se déclinent sous différentes tailles : on a ici un exemple de sphère-trame monumentale prévue pour l'extérieur, mais nous avons un exemple de sphère-trame plus petite et plus dense au Musée de Grenoble (salle 40) ; suspendue au plafond, celle-ci offre le même type d’effet d’optique quand on tourne autour. Morellet a commencé à développer ce modèle à partir de 1962. A cette époque, il souhaitait donner une troisième dimension à ses trames superposées, peintes sur toile ou panneau de bois (voir un exemple).
Si l’artiste travaillait d’après une structure orthogonale, c’est parce qu’il estimait que le carré est la forme géométrique la plus neutre et la plus simple possible, puisqu’il n’y a qu’une chose à déterminer : la dimension d’un côté, qui est ensuite appliquée à tout le carré. Le but de ce parti-pris était d’être le plus objectif possible.
Lorsque Morellet a souhaité détacher ses trames des surfaces planes des tableaux pour les transposer en sculptures, la question de la délimitation de la structure s’est posé. En effet, dans ses tableaux, les lignes et les trames peuvent être considérées comme étant infinies : elles traversent la surface et se prolongent au-delà des limites de la toile. En voulant passer en trois dimensions, donc prendre ces mêmes lignes et ces mêmes trames pour en faire des sculptures, la définition de la limite est différente : ce n’est plus la toile qui délimite la ligne, c’est la ligne elle-même qui, puisqu’elle compose la sculpture, doit trouver sa propre limite. Morellet explique : “Pour les sculptures, il n’existe pas de limites conventionnelles, si ce n’est les limites de la salle d’exposition”. Morellet fit donc le choix de limiter ses trames et la structure générale de ses sculptures à une sphère :
“Le choix de limites en forme de sphère plutôt que, par exemple, en forme de cube n’est pourtant pas gratuit. Ma sphère lorsqu’elle tourne sur elle-même (ou que l’on tourne autour) n’ayant aucun angle, aucun accident de surface sur sa périphérie permet au regard du spectateur de mieux se concentrer à l’« intérieur », là où se succèdent les superpositions de trames” [François Morellet – 1983-1984]
Les sphères-trames étaient faites en usine, car cela demandait trop de précision et trop de matériel pour être faites artisanalement.
François Morellet (1926-2006)
François Morellet est un artiste français autodidacte. Il est considéré comme un acteur majeur de l’abstraction géométrique de la deuxième moitié du XXe siècle, et comme un précurseur du minimalisme en France. Il a fait plus de cinq-cents expositions dans sa vie et est reconnu à l’international.
Issu d’une famille d’industriels, il travaille dans l’entreprise familiale de 1948 à 1975, date à partir de laquelle il se consacre entièrement à l’art. Avant même de quitter cette société, Morellet développe tout une réflexion artistique.
(voir les rubriques suivantes pour plus d'informations)
Issu d’une famille d’industriels, il travaille dans l’entreprise familiale de 1948 à 1975, date à partir de laquelle il se consacre entièrement à l’art. Avant même de quitter cette société, Morellet développe tout une réflexion artistique.
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Morellet dans l’art contemporain
Après une courte période figurative entre 1947 et 1950, il se tourne vers l’abstraction. Deux éléments ont déclenché son orientation vers l’abstrait : sa rencontre avec Max Bill et l’art concret en 1951, et les motifs géométriques qu’il découvre à l’Alhambra à Grenade en 1952.
Morellet s’inscrit très fortement dans la mouvance de l’art concert, un mouvement qui souhaite que l’œuvre soit conçue avant d’être exécutée, que l’exécution soit précise et neutre et que la construction soit simple et contrôlable. L’art concret vise à établir l’art non-figuratif sur des bases plus rigoureuses que l’abstraction traditionnelle : l’abstraction traditionnelle est empreinte de sensibilité et de subjectivité, tandis que l’abstraction concrète se veut une application sans faille de systèmes prédéterminés et objectivement contrôlables. On retrouve bien le point de vue commun que François Morellet a avec l’art concret dans une interview de 1978 : « Qu’est-ce que j’ai fait depuis 1952 ? J’ai essayé d’en faire le moins possible. Pas uniquement par paresse, mais parce que je voulais que le problème soit le plus simple, le plus évident, ne pas ajouter de sensibilité, d’exécution… s’il y a un trait, il sera droit, impersonnel, s’il y a une surface de peinture ce sera au pistolet, pas par tout ce qui faisait le charme de la peinture traditionnelle… et de supprimer aussi tout ce qui avait attrait à la composition. Mondrian était allé assez loin du côté d’une certaine rigueur mais avait gardé la composition, une composition qu’on décide arbitrairement. » [François Morellet – 1978]
Pour ce faire, François Morellet met au point des systèmes d’arrangement, à comprendre des méthodes strictes préalablement établies, qu’il met ensuite en pratique. De manière générale, Morellet utilise quasi systématiquement les mathématiques, soit avec des chiffres, soit avec des calculs simples, soit en recourant à la géométrie de base. Les mathématiques sont donc un outil au même titre qu’un stylo ou qu’une règle, à utiliser selon les besoins des systèmes d’arrangement. Afin d’aller encore plus loin dans l’objectivité, il a beaucoup recours au hasard systématisé : c’est-à-dire qu’il va prédéfinir un système d’arrangement qui sera applicable grâce à l’utilisation de chiffres préexistants qui, eux, seront pris au hasard – dans un annuaire par exemple.
François Morellet a tout aussi bien travaillé sur des tableaux que créé des « désintégrations architecturales » (intégration d’un élément qui met en tension l’architecture, en intérieur ou en extérieur), il a imaginé une série de sphères-trames qu’on pourrait classifier dans la catégorie des sculptures, il a utilisé le néon… et ce ne sont là que quelques exemples. A savoir que toutes ces formes artistiques s’inscrivent dans une seule et même démarche de concrétisation et d’objectivation de l’art, et qu’un grand nombre d’entre elles sont issues des mêmes systèmes d’arrangement dont l’application a été décliné.
En plus de son implication dans la mouvance de l’art concret, François Morellet est un « hériter » de plusieurs mouvances artistiques du XXe siècle : l’abstraction géométrique – dont un des grands représentant est Piet Mondrian –, le Dadaïsme ou encore Marcel Duchamp.
Morellet s’inscrit très fortement dans la mouvance de l’art concert, un mouvement qui souhaite que l’œuvre soit conçue avant d’être exécutée, que l’exécution soit précise et neutre et que la construction soit simple et contrôlable. L’art concret vise à établir l’art non-figuratif sur des bases plus rigoureuses que l’abstraction traditionnelle : l’abstraction traditionnelle est empreinte de sensibilité et de subjectivité, tandis que l’abstraction concrète se veut une application sans faille de systèmes prédéterminés et objectivement contrôlables. On retrouve bien le point de vue commun que François Morellet a avec l’art concret dans une interview de 1978 : « Qu’est-ce que j’ai fait depuis 1952 ? J’ai essayé d’en faire le moins possible. Pas uniquement par paresse, mais parce que je voulais que le problème soit le plus simple, le plus évident, ne pas ajouter de sensibilité, d’exécution… s’il y a un trait, il sera droit, impersonnel, s’il y a une surface de peinture ce sera au pistolet, pas par tout ce qui faisait le charme de la peinture traditionnelle… et de supprimer aussi tout ce qui avait attrait à la composition. Mondrian était allé assez loin du côté d’une certaine rigueur mais avait gardé la composition, une composition qu’on décide arbitrairement. » [François Morellet – 1978]
Pour ce faire, François Morellet met au point des systèmes d’arrangement, à comprendre des méthodes strictes préalablement établies, qu’il met ensuite en pratique. De manière générale, Morellet utilise quasi systématiquement les mathématiques, soit avec des chiffres, soit avec des calculs simples, soit en recourant à la géométrie de base. Les mathématiques sont donc un outil au même titre qu’un stylo ou qu’une règle, à utiliser selon les besoins des systèmes d’arrangement. Afin d’aller encore plus loin dans l’objectivité, il a beaucoup recours au hasard systématisé : c’est-à-dire qu’il va prédéfinir un système d’arrangement qui sera applicable grâce à l’utilisation de chiffres préexistants qui, eux, seront pris au hasard – dans un annuaire par exemple.
François Morellet a tout aussi bien travaillé sur des tableaux que créé des « désintégrations architecturales » (intégration d’un élément qui met en tension l’architecture, en intérieur ou en extérieur), il a imaginé une série de sphères-trames qu’on pourrait classifier dans la catégorie des sculptures, il a utilisé le néon… et ce ne sont là que quelques exemples. A savoir que toutes ces formes artistiques s’inscrivent dans une seule et même démarche de concrétisation et d’objectivation de l’art, et qu’un grand nombre d’entre elles sont issues des mêmes systèmes d’arrangement dont l’application a été décliné.
En plus de son implication dans la mouvance de l’art concret, François Morellet est un « hériter » de plusieurs mouvances artistiques du XXe siècle : l’abstraction géométrique – dont un des grands représentant est Piet Mondrian –, le Dadaïsme ou encore Marcel Duchamp.
Morellet et le spectateur : la théorie du pique-nique
Morellet pense que le spectateur est primordial. L’artiste estime en effet qu’il n’y a pas qu’une seule et unique vision de l’œuvre en général ; au contraire, chaque visiteur a sa vision et sa perception particulière de l’espace et de l’œuvre. Il explique que « Les œuvres d’art sont des coins à pique-nique, des auberges espagnoles où l’on consomme ce que l’on apporte soi-même ». Il estime que dans une œuvre, il n’y a rien à comprendre, mais on vient avec ce que l’on sait, avec qui on est, ce que l’on a envie d’y voir ; l’art devient un espace de projection, un espace qui fait miroir et renvoie à la liberté d’interprétation pour le visiteur. L’œuvre d’art existe autant dans l’œil du spectateur que dans l’intention du créateur. C’est même d’avantage le spectateur qui fait l’œuvre d’art. Morellet considère qu’une œuvre qui ne serait vue par personne n’est pas une œuvre d’art : la relation œuvre-spectateur doit exister pour que l’objet devienne l’œuvre. Cette théorie est bien sûre liée à la démarche de neutralité de François Morellet qu’il mène à travers son souhait de rester en retrait, de créer une véritable distance entre lui et son travail. Il propose des choses qui l’excitent formellement et visuellement, mais il laisse le spectateur déballer son propre pique-nique : chacun trouvera dans l’œuvre ce qu’il veut, ou rien… à chacun de se faire son opinion par rapport à ses goûts.
En savoir plus
Dossier du Centre Pompidou : http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Morellet/index.html
Vidéo « Arts-rythmes-tiques ou le plaisir de créer », Ina Culture (vidéo diffusée le 7 juillet 1978) : https://www.youtube.com/watch?v=yP2gxp7s370
Interview d’Alfred Pacquement (directeur du Musée national d’art moderne et commissaire d’exposition), dans le cadre de l’exposition Réinstallations, Centre Pompidou, 2011
Vidéo « Arts-rythmes-tiques ou le plaisir de créer », Ina Culture (vidéo diffusée le 7 juillet 1978) : https://www.youtube.com/watch?v=yP2gxp7s370
Interview d’Alfred Pacquement (directeur du Musée national d’art moderne et commissaire d’exposition), dans le cadre de l’exposition Réinstallations, Centre Pompidou, 2011
Mis à jour le 4 avril 2024