Fabrication du papier au XXème siècle

Papermarking © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Depuis 1907, Grenoble INP – Pagora produit et étudie le papier en faisant intervenir d'imposantes machines, aujourd'hui patrimoniales. Au début du XXème, la production industrielle du papier pouvait être réalisée en trois étapes.

Cuisson des fibres végétales

Le lessiveur rotatif datant de 1907, est constitué de plaques rivetées en son intérieur, exactement comme la structure de la Tour Eiffel. Il a été fabriqué à l’usine Bouchayer-Viallet, anciennement située rue Ampère à Grenoble. Cet établissement a également fabriqué nombre de canalisations d’eau forcée pour les installations hydroélectrique de la région. Le lessiveur est une sphère permettant la cuisson longue et homogène des fibres végétales, en tournant très lentement. La pression de la vapeur envoyée dans le lessiveur peut être ajustée jusqu’à 6 bars. Cette vapeur est produite par une chaudière dédiée placée dans le sous-sol.

Lessiveur rotatif fabriqué à l’usine Bouchayer-Viallet de Grenoble, 1907 © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Lessiveur rotatif fabriqué à l’usine Bouchayer-Viallet de Grenoble, 1907 © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Sommet du lessiveur rotatif © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Sommet du lessiveur rotatif © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Plaques rivetées du lessiveur rotatif © Antoine JULIEN / Grenoble INP - PagoraPlaques rivetées du lessiveur rotatif © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora

Parmi les fibres cuites dans ce lessiveur aujourd’hui à Grenoble INP – Pagora, il y a les linters de coton, les copeaux de bois, le lin, le chanvre et nombre de plantes annuelles. Leur cuisson est souvent réalisée avec de la soude.
À la fin de la cuisson, les fibres sont déchargées et l’eau de lessivage, appelée lixiviat ou liqueur, est récupérée. À l’échelle industrielle, la liqueur qui est riche en soude et lignine, est utilisée en tant que carburant pour les machines de la chaîne de production du papier.

Défilage et lavage des fibres

Les fibres sorties du lessiveur rotatif sont transférées dans la pile hollandaise pour être « défilées », c’est-à-dire démêlées, puis coupées. Cette machine a été fabriquée à Pont-de-Claix par les établissements MAGNAT SIMON au début du XXème. Elle est composée d’un canal où les fibres sont mises en circulation sous l’effet de rotation du cylindre à lames de la pile, et passent également sous un « tambour laveur » qui assure le lavage.

Pile hollandaise fabriqué à Pont-de-Claix, début du XXème © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Pile hollandaise fabriqué à Pont-de-Claix, début du XXème
Pile hollandaise fabriqué à Pont-de-Claix, début du XXème © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
© Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
La première phase de défilage est gérée par le cylindre à lames dont la constitution est particulière : les lames métalliques sont assemblées autour du cylindre à l’aide d’intercalaire en bois. Les lames de bois doivent être suffisamment humides pour rester gonflées et encastrées dans le rouleau afin de garantir la fixation des lames métalliques. Le changement des dents en bois est à ce jour rare et nécessite un artisan spécialisé. La position verticale du cylindre peut ensuite être ajustée afin de réduire la distance qui existe avec la platine fixe positionnée en dessous du cylindre, platine qui est elle-même composée de lames métalliques et intercalaires de bois.
Au passage de cette zone de confinement entre cylindre (aussi appelé « rotor ») et platine, les fibres se trouvent ainsi principalement « défilées » mais aussi hydratées.
Phase de défilage par le rotor de la pile hollandaise © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Phase de défilage par le rotor de la pile hollandaise © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Détails des dents du rotor de la pile hollandaise © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Détails des dents du rotor de la pile hollandaise © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Platine de la pile hollandaise © Antoine JULIEN / Grenoble INP - PagoraPlatine de la pile hollandaise © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora

La deuxième phase de rinçage est effectuée par un tambour laveur dont la surface est revêtue d’une toile d’égouttage métallique : en faisant en sorte que le tambour appuie tout en tournant lentement à la surface du flot de pâte, l’eau colorée et/ou chargée pénètre ainsi à l’intérieur de ce tambour où un système d’écope permet de conduire l’eau vers une sortie d’égout. L’utilisation de ce tambour suppose donc un ajout d’eau claire permanent pour maintenir le niveau constant dans la pile défileuse.

Pulpeur © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Vue extérieure du pulpeur © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Eau riche en pâte à papier dans le pulpeur © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Eau riche en pâte à papier dans le pulpeur © Antoine JULIEN / Grenoble INP - PagoraFond du pulpeur basse concentration sans eau © Antoine JULIEN / Grenoble INP - PagoraFond du pulpeur basse concentration sans eau © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Une fois les phases de défilage et de rinçage terminées, la pâte est ensuite transférée vers le circuit de préparation de pâte de la machine à papier (MAP) type Fourdrinier (table plate) principale du laboratoire, en commençant par le pulpeur basse concentration. Il s’agit ici d’un pulpeur de 5m3 de capacité, de marque BLACK CLAWSON. La très forte agitation qui a lieu dans ce pulpeur permet d’obtenir une pate très homogène ainsi qu’une très bonne dispersion et séparation des fibres.
 

Production du papier

La pâte subit une légère dilution lors de son transfert dans le cuvier de marche de la MAP, la plus grande machine du process. Elle regroupe les trois étapes essentielles de la production du papier : égouttage, pressage et séchage. La phase complémentaire de « couchage » du papier peut être réalisée « hors ligne » c’est-à-dire avec une autre machine. Les plus anciennes parties de cette MAP sont les cylindres sécheurs qui datent de 1907.
Cette machine reprend donc les trois étapes de la production manuelle du papier tout en produisant en continu et à une vitesse de 20 à 30m de papier/min, avec une capacité maximale de 100kg de papier par heure. Sa vitesse en particulier est ainsi très différentes de celles des machines industrielles actuelles (jusqu’à 2000 m/min soit 40 tonnes de papier par heure).
 Machine à papier (MAP) fabriquée à ERTAM Industrie sur Seyssins, 1907 © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Machine à papier (MAP), reconstruite par ERTAM Industrie sur Seyssins © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Lors de la phase d’égouttage une très grande quantité d’eau est évacuée et recyclée, ce qui est nécessaire à la réalisation d’une feuille de papier correctement formée. L’eau d’égouttage appelée eau blanche, est directement réutilisée pour la dilution initiale. L’égouttage se fait par gravité puis à l’aide de caisses aspirantes. A la fin de cette étape, on retrouve entre 10 et 20% de fibres et 90 à 80% d’eau : il s’agit presque d’une vraie feuille de papier à ceci près qu’elle est encore gorgée d’eau.

Phase d’égouttage de la MAP
Phase d’égouttage de la MAP

Pendant la phase de pressage, le papier se retrouve transporté sur un tapis en feutre jusqu’au passage entre les rouleaux presseurs. Ce passage conduit à la consolidation du matelas fibreux et à l’évacuation de l’eau qu’il contient vers et à travers le feutre. L’eau qui se retrouve stockée dans le feutre est à son tour évacuée dans la même boucle, avec d’autres caisses aspirantes placées sous le feutre tendu. La feuille de papier va contenir environ 45% de fibres et 55% d’eau résiduelle en sortie de l’étape de pressage.

Phase de pressage de la MAP
Phase de pressage de la MAP
Phase de pressage de la MAP © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora© Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Enfin la phase finale de production du papier consiste au séchage de la feuille via sa mise en contact avec les cylindres sécheurs chauffés grâce à de la vapeur sous pression envoyée à l’intérieur. Le but de cette phase est de transformer l’eau résiduelle contenue dans la feuille en vapeur d’eau, qui est ensuite extraite à l’aide d’une hotte. Le papier est maintenu tendu pour ne pas gondoler sous l’effet de la chaleur, grâce à une toile le maintenant en tension contre les rouleaux sécheurs. La température effective de surface croît au fur et à mesure de l’avancement dans la sècherie : elle commence de 70 à 80°C pour le premier cylindre et augmente jusqu’à 130°C pour le dernier. Les rouleaux sont sur un seul étage, ce qui ne sèche la feuille de papier que d’un côté à la fois : c’est une spécificité de cette MAP, initialement conçue pour produire du papier à cigarette, nécessitant d’avoir une seule face esthétique donc lisse, l’autre face pouvant être rugueuse.

Phase de séchage de la MAP © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Cylindres sécheurs de la MAP, 1907 © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
 

Le papier produit est utilisable, il pourra ensuite être recyclé jusqu’à 7 fois.

Papier produit en fin de process © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Papier produit en fin de process
Papier produit en fin de process © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
© Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Dans le hall industriel de l’école, il y a aussi de très petites piles de raffinage, d’autres machines et appareils servant à faire des tests pour la recherche et pour des quantités de pâtes très réduite (quelques centaines de grammes).
Piles de tests et de recherches © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Piles de tests et de recherches
Piles de tests et de recherches © Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
© Antoine JULIEN / Grenoble INP - Pagora
Publié le  24 août 2022
Mis à jour le 1 septembre 2022